Comment préserver sa cavalerie de la rhinopneumonie ?
Comme en 2018, lors de la précédente épidémie survenue en France, la rhinopneumonie du cheval a refait son apparition dans différents départements en cette fin d’année 2024. Avec son lot d’équidés fiévreux et toussant pour la forme bénigne (respiratoire). Beaucoup plus alarmant, une douzaine d’équidés sont récemment décédés de la forme grave (nerveuse). En tant que futur moniteur d’équitation* (ou simple amoureux des chevaux), la situation actuelle est inquiétante. Tu t’inquiètes pour ton loulou. Comment protéger ton cheval** de cette maladie ? Si tu es responsable d’un piquet d’équidés, quels sont les gestes professionnels à adopter au quotidien ? Quelles sont les conséquences à craindre quand l’infection arrive dans un centre équestre ? Du simple lavage des mains au protocole strict de « marche en avant » édicté par les services sanitaires pour traiter toute une écurie, retrouve mes 8 conseils pour préserver, du mieux possible, tous tes chouchous !
1. Apprendre ce qu’est la rhinopneumonie du cheval et comment elle se propage
Pour prévenir une maladie, il est important de comprendre comment celle-ci se disperse au sein d’une population d’individus, et d’en reconnaître les symptômes.
1.1. Deux virus distincts
La rhino du cheval est causée par deux sortes d’herpèsvirus (l’HVE-1, et l’HVE-4). En France, ces deux virus ne sont pas présents sur le territoire de la même façon : l’HVE-4 est beaucoup plus répandu chez nous que l’HVE-1.
Ces deux virus sont spécifiques des chevaux. Cela veut dire qu’il n’y a pas de risque de contamination pour l’homme ou pour une autre espèce animale. C’est déjà une très bonne nouvelle !! Pour info, les humains que nous sommes possèdent leurs propres herpèsvirus responsables de nos boutons de fièvre, de la varicelle ou du zona…
1.2. Les trois types de symptômes pour la rhino chez le cheval
La rhinopneumonie équine prend trois formes très différentes qu’il est essentiel de savoir reconnaître. Ces trois formes distinctes peuvent se répandre simultanément dans une même écurie.
1.2.1. La forme respiratoire
- C’est la forme la plus fréquente mais, heureusement, aussi, la plus bénigne.
- Elle est due principalement à l’HVE-4, le virus le plus répandu (logique).
- Le cheval présente un abattement, de la fièvre, une toux sèche et un écoulement nasal translucide.
- Ces symptômes surviennent généralement 2 à 10 jours après l’infection et perdurent une à deux semaines, sans conséquence majeure.
- Le cheval est contagieux pendant toute cette période et jusqu’à 3 semaines supplémentaires.
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⚠ ATTENTION !
Deux points méritent ta réflexion :
- Certains chevaux, contaminés, ne présentent aucun symptôme. Ce sont des porteurs sains, mais ils restent néanmoins contagieux.
- Si la forme est bénigne, l’état du cheval peut s’aggraver à la suite d’une surinfection bactérienne. Surveille l’écoulement nasal de ton loulou, il ne doit pas s’épaissir ni virer au jaune !
1.2.2. La forme abortive des juments
- Cette forme est due principalement à l’HVE-1.
- Elle n’est pas très fréquente mais, pourtant, se place à l’origine du plus grand nombre d’avortements infectieux chez les équidés.
- La poulinière ne présente aucun signe clinique, elle n’apparaît pas comme étant malade.
- L’avortement peut arriver soudainement, sans signes précurseurs, de 9 jours à 4 mois après la contamination.
- La perte du fœtus est donc à craindre dès le 4e mois de la gestation et jusqu’à la fin de celle-ci.
- Si le poulain survit jusqu’au terme et naît vivant, il risque néanmoins de mourir dans les trois jours, à cause de problèmes respiratoires.
1.2.3. La forme neurologique.
- C’est la forme la plus grave mais, heureusement aussi, la plus rare. Elle est la cause des séquelles les plus dévastatrices. Dans les pires cas, l’euthanasie de l’équidé peut s’avérer inéluctable.
- Elle est due à l’HVE-1 à 100 %.
- Le cheval atteint présente de la fièvre sans nécessairement avoir de difficultés respiratoires.
- Il souffre également d’une inflammation du cerveau et de la moelle épinière.
- Les symptômes neurologiques se présentent généralement de 8 à 15 jours après l’infection. Ils se révèlent de façon diverse et plus ou moins prononcée : problèmes de locomotion, de coordination des membres (ataxie), de paralysie, d’incontinence.
1.3. La contamination entre les individus
Pour les formes respiratoires et neurologiques, la contamination d’un cheval malade vers un cheval sain s’effectue essentiellement par les sécrétions nasales et respiratoires. Pour la forme abortive, elle se fait par le contact de tissus contaminés et des sécrétions utérines de la jument, après un avortement.
1.4. Une infection qui perdure
Après la guérison d’un cheval atteint par une rhinopneumonie, le virus reste présent dans son organisme. Il s’endort, mais peut se réveiller plusieurs mois ou années plus tard, à la suite d’une chute de son immunité (stress, fatigue, autre maladie). On dit que l’infection est latente. Si un loulou est victime d’un retour de l’infection, comme dans les autres cas, celle-ci peut présenter les trois formes décrites. Ton cheval peut se révéler asymptomatique, mais redevenir contagieux.
Ainsi, en France, l’IFCE considère qu’environ 65 % des chevaux ont déjà été confrontés à la rhinopneumonie. Si ton cheval s’est, un jour, retrouvé au sein d’une écurie où des cas de rhino ont été décelés, tu peux être à peu près certain qu’il a été exposé au virus et fait partie des 60 à 70 % de chevaux qui présentent la maladie de façon latente (source RESPE).
1.5. Des risques inégaux selon les chevaux
Les chevaux les plus susceptibles d’être contaminés sont ceux qui rencontrent davantage de congénères « inconnus ». Je parle donc principalement des chevaux de sport qui participent à des concours extérieurs.
Par contre, les animaux les plus à risque de développer une forme grave sont les poulains, et les juments gestantes.
2. Vacciner sa cavalerie contre la rhinopneumonie équine
2.1. Une vaccination collective demandée
Pour prévenir des formes les plus graves, le vaccin s’avère la meilleure des préventions pour ton cheval mais, à la condition, que l’intégralité de la cavalerie en ait bénéficié ! Un groupe est correctement protégé quand, au moins, 80 % des animaux sont vaccinés.
Le vaccin de la rhino n’est pas efficace dans tous les cas, mais il limite les réactions les plus graves (ça rappelle ce que l’on a connu lors de la période Covid…). Il diminue également les risques de contamination d’un cheval à un autre. Ceci est surtout vrai pour la forme respiratoire (un peu moins pour la forme abortive).
Pour la forme nerveuse, malheureusement, le vaccin n’est pas opérant.
2.2. Un protocole de vaccination exigeant
Vu les conséquences décrites dans cet article, la vaccination est vivement recommandée. Il convient de :
- vacciner les poulains dès 6 mois
- prévoir deux injections en un mois pour la primo-vaccination, suivies d’un premier rappel à 6 mois (l’immunisation n’est complète qu’après cette troisième injection)
- d’effectuer les rappels tous les 6 mois environ, sans dépasser un délai d’un an, sous peine de devoir recommencer le protocole à zéro
En matière de réglementation, la vaccination n’est obligatoire que dans trois cas précis :
- pour certains étalons reproducteurs
- pour les chevaux de course
- pour les compétitions SHF, Pro et internationales
3. Se tenir informé de l’évolution de la rhinopneumonie en France sur le site du RESPE
Le RESPE est le Réseau d’Épidémio-Surveillance en Pathologie Équine. Il est basé sur un réseau de VS (Vétérinaires Sentinelles) qui font remonter l’avancée des différentes pathologies équines dans toute l’Europe. L’association produit des alertes en temps réel et une carte de vigilance des départements touchés en France. Pour consulter la progression de la rhinopneumonie, clique sur les différents symptômes de cette maladie : « RESPIRATOIRE», « NERVEUX » et « AVORTEMENT ». Tu sauras ainsi si ta région est particulièrement concernée par la menace et, à quel degré, appliquer des mesures préventives dans ton écurie.
4. Éviter les mouvements des chevaux entre le centre équestre et l’extérieur
Si ton écurie fait partie d’une région à risque ou si tu es inscrit à une manifestation extérieure appartenant à ces mêmes régions signalées par le RESPE, tu serais très averti de renoncer à ce déplacement. Aucun concours, aucun stage, ni aucun cours à l’extérieur de ton écurie ne vaut le risque d’encourir des symptômes aussi graves pour ton chouchou !
Si, pour X raisons, un déplacement « hasardeux » n’a pu être évité ou si, en tant que responsable d’une structure, tu es tenu d’accueillir un nouvel arrivant, place le cheval en quarantaine. Pendant une dizaine de jours au minimum (période d’incubation), il sera donc isolé, dans un box où il ne peut côtoyer aucun autre congénère. Surveille sa température quotidiennement.
5. Adopter les célèbres « gestes barrière » !
Si tu ne peux pas attraper la rhino en tant qu’humain, tu peux transporter le virus sur tes mains ou sur du matériel d’équitation. Si ton club fait partie des régions alertées par le RESPE, s’il existe un risque de rhino dans ta structure, adopte les premiers gestes barrières pour protéger ton loulou :
- lave-toi les mains avant et après t’être occupé du cheval (reprends les consignes du Covid pour le lavage des mains au savon ou au gel hydroalcoolique).
- ne passe aucun objet d’un cheval à un autre (brosse, cure-pied, tapis, filet, sangle…)
- désinfecte le matériel que tu serais obligé d’utiliser d’un cheval à l’autre (selle, sangle, bottes, etc.).
- si tu montes plusieurs chevaux les uns à la suite des autres, prévois un pantalon par équidé.
- ne touche aucun autre cheval que ceux dont tu t’occupes.
- une fois rentré chez toi, lave à 60° minimum,
- les vêtements qui ont été en contact avec un cheval.
6. Au moindre doute, faire appel à son vétérinaire
En cas de suspicion de rhino, le vétérinaire réalise un test PCR (ce nom nous rappelle encore furieusement la période Covid). Le véto passe son écouvillon dans le naseau du cheval pour détecter les formes respiratoires et nerveuses. Selon le cas, il complète son diagnostic par un prélèvement de liquide céphalorachidien, réalisé au niveau des vertèbres de l’arrière-main (pour la forme neurologique). Pour la forme abortive, il se concentre sur l’étude de différents tissus du fœtus avorté.
En laboratoire, on établit le génome du virus afin de déterminer à quel vilain « type » on a à faire (le 1 ou le 4).
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ATTENTION : Un test PCR négatif ne garantit pas qu’un cheval est exempt du virus de la rhino, il existe, pour cette maladie, de « faux négatifs » !
⏩Si la rhino est arrivée
dans la structure :
7. Amplifier les gestes barrières pour éviter la propagation au sein de l’écurie
7.1. Créer des secteurs séparés pour « trier » les chevaux de la structure équestre
La première des actions à mener est de réorganiser l’écurie en profondeur (les pâtures et les boxes, tous les lieux qui hébergent les animaux).
On créera, autant que possible, différents groupes distincts séparés géographiquement :
- les plus fragiles à la contamination (les juments gestantes, les poulains) ;
- les plus à risques d’avoir été contaminés (chevaux ayant côtoyé récemment des congénères extérieurs) ;
- les chevaux non vaccinés ;
- les chevaux vaccinés ;
- les « suspects », les chevaux fiévreux dont le diagnostic vétérinaire n’a pas été encore établi ou à test PCR négatif ;
- les malades (test PCR positif).
7.2. Arrêter les mouvements des chevaux
Une fois ces secteurs déterminés, les animaux ne devront plus se déplacer.
7.3. Adopter un circuit strict de soins
Au moment des soins, on suivra un parcours dit de « marche en avant », en s’occupant des groupes dans l’ordre établi ci-dessus, des chevaux fragiles et sains aux malades. Dans le cas des gros centres équestres, on pourra désigner une personne responsable du groupe des chevaux malades afin d’éviter au maximum la propagation du virus aux autres groupes. En tant que garant de la santé d’un cheval ou plus, passe du temps auprès de ton loulou pour détecter l’apparition de symptômes et, surtout, tient un relevé de sa température quotidienne.
7.4. Utiliser du matériel spécifique pour chaque groupe d’équidés
- Le matériel utilisé pour s’occuper des chevaux ne devra pas passer d’un groupe à l’autre (brosses, peignes, cure-pieds…).
- Le soigneur cherchera à utiliser du matériel à usage unique pour chaque secteur (gants, surbottes, blouses, charlottes).
- On créera des zones de désinfection avant d’entrer ou de sortir d’un secteur infecté, du genre pédiluve et console présentant des flacons de désinfectants virucides. En 2018, à Saumur, j’ai connu ce passage obligatoire par les pédiluves, appliqué à l’ensemble des écuries de l’ENE.
7.5. Désinfecter les lieux susceptibles de contenir le virus
Le virus peut survivre plusieurs jours dans la litière d’un cheval infecté. Pour une désinfection efficace, on commencera par vider entièrement le lieu, avant de le nettoyer au jet à haute pression, puis d’y appliquer un virucide. Le fumier contaminé ne sera pas destiné à se retrouver, ensuite, épandu dans un pré.
Dans la mesure du possible, pour un endroit ayant hébergé des animaux malades, on appliquera un vide sanitaire de 15 jours minimum (boxes, paddocks et pâtures).
On n’oubliera pas non plus de désinfecter régulièrement les véhicules de transport équin.
Toutes ces mesures sont à appliquer pendant 30 jours après le dernier symptôme observé chez un équidé touché.
8. S’occuper des chevaux malades
Il n’existe pas de médicaments pour combattre le virus de la rhino. Tu devras donc te contenter de surveiller l’évolution des symptômes et d’offrir le meilleur repos possible à ta cavalerie. Plus un cheval aura été malade, plus sa convalescence sera longue (au moins trois semaines d’inactivité totale).
Si un loulou présente des signes neurologiques, il sera peut-être nécessaire d’équiper son box d’un harnais accroché en hauteur pour le soutenir et l’empêcher de tomber… Ou bien capitonner celui-ci pour que le cheval ne se blesse pas en chutant… Ce n’est aucunement de la rigolade ! Alors, autant tout tenter pour ne pas en arriver là.
Pour les poulinières touchées, il n’y a pas non plus de traitement préventif pour empêcher les éventuelles pertes de fœtus. Heureusement, la jument ne conservera pas de séquelles de l’avortement. Seulement le virus latent et le risque d’un autre avortement à la prochaine gestation…
Quelques produits naturels sont proposés à la vente pour aider les chevaux à traverser cette étape critique (améliorer le confort respiratoire, réduire l’irritation des muqueuses, renforcer le système immunitaire…).
CChaque fois que le RESPE lance une alerte concernant une épidémie de rhinopneumonie équine, aucun amoureux des chevaux ne prend cette information à la légère. Nous sommes nombreux à avoir déjà visionné des vidéos présentant des exemples de chevaux atteints de la forme neurologique… Imaginer son propre loulou titubant dans son box, accroché au plafond par un harnais, ou susceptible de devoir être euthanasié… Voici quelque chose d’inconcevable à laquelle, pourtant, certains responsables d’écuries, et non des moindres, se sont retrouvés confrontés. Quelle situation effroyable !!
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Sans compter le coût de l’arrivée d’une telle épidémie dans son écurie (200 € le test PCR, le déplacement quasi quotidien d’un vétérinaire, le placement d’un harnais, la surveillance 24 h/24…). Face à ce risque, pensons donc tout d’abord à la prévention (information, vaccination, mise en quarantaine de tout cheval à risque, gestes barrière…) pour préserver nos chouchous au maximum de nos possibilités.
Aurais-tu, toi aussi, des conseils à partager avec d’autres cavaliers pour prévenir de la rhino ?
N’hésite pas à laisser un commentaire au bas de cet article.
Notes :
* Tous nos articles sont considérés pour un « élève moniteur fictif » et donc genré au masculin pour plus de commodité d’écriture. On n’oublie pas qu’au moins 80 % des professionnels du métier sont des femmes. Tout est donc bien sûr transférable à la gent féminine !
** De même, dans l’article, je parle de « cheval » pour plus de facilité, il peut s’agir d’une jument, d’un hongre, d’un étalon. Tout comme d’un poney ou d’une ponette !
Illustrations : Team LMs, Canva et Bitmoji
